Frédéric LAURA
Du bon usage de la thérapie à distance et de la télé-consultation psychologique

Une thérapie à distance est-elle en partie « virtuelle » ? Donc moins efficace ou moins engageante ?
Une thérapie à distance n’est pas plus ou moins virtuelle comme certains l’évoquent et demande pour cela au thérapeute des compétences spécifiques. Nous exposerons ici les avantages et les limites des conditions d’entretien individuel psychologique en visio-conférence de type Skype, Facetime, Zoom.
Les débats entre psychologues sur l’efficacité, l’éthique, la déontologie d’un entretien psychologique à distance sont plutôt contrastés dans leur position et leur préférence.
Quels sont les avantages et bénéfices de la téléconsultation psychologique et de la thérapie à distance ?
Avant d’aller plus loin sur la partie efficacité, nous pouvons déjà retenir ces avantages :
- L’accès au soin dans des zones mal desservies
- Toute problématique de déplacement, de temps et de coût
- Des plages horaires plus étendues
- Choisir le lieu et le moment selon ses contraintes professionnelles
- Pouvoir faire ou continuer une thérapie en déplacement ou à l’étranger
- Problème de santé, maladie de longue durée, invalidité temporaire ou permanente
- Problématiques psychologiques empêchant le déplacement : agoraphobie, traumatismes encore présents, timidité…
- Pouvoir faire connaissance avec un thérapeute et en savoir plus sur une thérapie, sur les modalités
- Accéder plus facilement au thérapeute : planning, disponibilités en ligne
- Bénéficier d’un entretien ponctuel plutôt orienté vers le conseil psychologique (sans « donner un conseil » le thérapeute débat avec le client de sa situation et lui fait expliciter -et non expliquer- ses difficultés)
- Faire un premier entretien sans engagement pour « tester » les effets et le fonctionnement d’un entretien à distance, constater ou non si vous avez un bon contact, le sentiment de vouloir vous engager plus avant
Du bon usage des outils de visio-conférence. Pour ma part, je m’engage dans une thérapie à distance si les modalités suivantes sont respectées :
- Une qualité de connexion suffisante pour bénéficier d’échanges en visio clairs et agréables.
- Refus d’entretiens juste téléphoniques sans l’image (mais possible exceptionnellement et ponctuellement si le client est déjà avancé dans sa thérapie)
- Avoir pu réaliser une évaluation de la santé et des capacités mentales du client lui permettant un engagement dans une thérapie à distance (fenêtre de tolérance, compréhensions, aptitudes cognitives et verbales, gravité des problématiques psychologiques névrotiques ou psychotiques, rationalité des objectifs de changement, environnement de vie, contexte familial – liste non exhaustive
- L’acceptation des modalités de ponctualité, de fréquence entendue par avance et de règlement des séances, de confidentialité (toute présence tierce sera proscrite), d’engagement éthique : réciprocité d’interdiction de tout enregistrement
Quels sont les arguments contre l'absence physique en présentiel lors d'un entretien psychologique ?
Les psychologues « opposants » retiennent dans leurs arguments :
- Une différence de lien avec leur client, l’absence physique pouvant rendre plus distants les rapports humains ou l’engagement du client dans la thérapie
- Le développement de plate-forme à distance à orientation « commerciale » ne garantissant pas le niveau d’expériences et d’expertises des thérapeutes
- Les problématiques de confidentialité pendant une visio-conférence, la présence de personne tierce ou de membre de la famille
- Manquer d’informations sur le client : voir ses gestes, son attitude physique, connaître les états et mouvements du corps en séance
- La possibilité que certains clients « craquent » en séance et que le soutien physique en présentiel puisse manquer au thérapeute pour garantir au client le meilleur soutien possible.
Souvent, les thérapeutes réfractaires à la télé-consultation sont peu expérimentés sur l’usage de la caméra et des entretiens à distance. Parfois même, ils sont mal à l’aise avec leur propre image ou d’être seulement en face à face : visage face visage, parfois en gros plan. Il est essentiel que chaque thérapeute détermine librement le cadre dans lequel il se sent le mieux et le plus efficace. La préparation conjointe d’un bon cadrage caméra est importante autant pour le client que le thérapeute. C’est un compromis permettant de distinguer assez suffisamment les traits et expressions du visage que les gestes des mains par exemple.
Lors du premier entretien en télé-consultation, il est nécessaire que le thérapeute valide avec son client/patient (le choix du terme dépend plus d’un usage dans les écrits par exemple anglo-saxons qu’une vision ou approche plus ou moins « commerciale » de la thérapie) la pertinence d’une thérapie à « distance ».
Ainsi, lors des premiers échanges, j’insiste quelques minutes pour ma part sur les points suivants :
- Le client a-t-il des gênes particulières avec la télé-consultation ? L’usage de la caméra ? L’a-t-il déjà pratiqué pour son travail ou pour une consultation médicale ? Est-ce un choix par contraintes ? Lesquelles ?
- Sera-t-il seul pendant les visios ? Pourrait-il être entendu ou dérangé ?
- A-t-il des questions sur l’utilisation du logiciel de visio ? Sur le déroulement des séances ?
- Le client souhaite-t-il vérifier et voir les diplômes de son thérapeute ? Les certifications de formations ? Son titre de psychologue et l’agrément de l’Agence Régionale de Santé pour exercer en libéral ?
- A-t-il pris connaissance du site internet du thérapeute ? De la présentation de son thérapeute ? Et pour ma part des articles de blog comme celui-ci ou celui expliquant comment tirer le meilleur parti d'une séance psychologique à distance ?
En conclusion, c’est toute l’expérience du thérapeute et ses savoir-faire, qui permettront de construire une alliance de travail entre lui et son client suffisamment forte pour que la thérapie à distance soit le moins possible une contrainte ou un facteur de réduction du lien humain et donc du lien thérapeutique.
Nous parlons d’alliance de travail dès lors qu’il est compris (et cru) par le client, que son thérapeute s’engage aussi dans un travail, qu’il est sincère, bien présent, ouvert, bienveillant et sans jugement. Le thérapeute aura pris soin de co-valider les objectifs de changement du client, déterminant avec lui préalablement les indicateurs de réussite. Le thérapeute sera aussi ouvert à faire le point régulièrement pendant la thérapie sur les progrès, les difficultés, voire parfois le changement des objectifs, selon les nouvelles perspectives et besoins ressentis par son client.
Frédéric LAURA, psychologue
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